Graines de co-développement

Q> En quoi consiste une séance de co-développement ?

PP> En réalité on commence réellement à comprendre la méthode et sa puissance lorsqu’on la vit. Pour faire simple, chaque rencontre du groupe de pairs (constitué de huit personnes) est structurée selon six étapes avec un temps imparti pour chacune : premièrement, l’exposé d’une problématique, d’un projet ou d’une préoccupation par un participant qui a sollicité à être client (10 à 15mn); deuxièmement, la clarification de la situation par les participants qui questionnent le client (35 à 40mn); troisièmement, l’établissement du contrat de consultation (10 à 20mn); quatrièmement, les suggestions, réactions et commentaires des participants consultants (30 à 35mn); cinquièmement, l’élaboration d’une synthèse et du plan d’action par le client, et sixièmement l’évaluation de la séance (10mn) et l’intégration des apprentissages par chacun (20mn).

Q> Combien de temps dure ce type de séance et  quelles sont vos recommandations ?

PP> Le plus souvent les séances durent trois heures ce qui permet un déroulement complet de la consultation, en se donnant le temps de bien capitaliser sur les apprentissages de chacun pour améliorer les pratiques. Certaines entreprises sollicitent des séances d’une heure trente à deux heures pour avoir deux consultations en un après midi. Ce type de pratique nommée « coup de pouce » ne permet pas d’aller au fond des choses et oblige l’animateur à passer rapidement sur certaines étapes. Pour pratiquer les deux, lors du démarrage je préconiserais des séances de trois heures, une fois que les participants sont rodés à la méthode on peut plus facilement se permettre d’accélérer sans perdre sur le fond de l’apprentissage des savoirs et pratiques professionnelles. Ce type de pratique doit s’inscrire dans la durée et il faut prévoir huit à dix demi journée étalées sur six mois pour en mesurer pleinement les effets et rendre suffisamment autonome les groupes.

Q> Quels sont les types de problématiques ?

PP> Nous sommes clairement dans un cadre professionnel où les participants demandent de l’aide, et présentent la plupart du temps chacun, un projet, une préoccupation ou un problème. Par exemple : «  la semaine prochaine j’ai un point d’avancement difficile à présenter sur un projet qui a pris du retard…..et pour lequel j’ai des difficultés avec un sous traitant » «  j’ai une situation de mobilité délicate à gérer pour laquelle je dois envisager la perspective du départ d’un salarié ; j’appréhende le déroulement de cet entretien qui est prévu dans trois jours » «  Je fais partie d’une nouvelle équipe projet et je n’arrive pas à prendre ou à trouver ma place »  « l’organisation de ma Direction est en plein changement et je n’ai plus de visibilité à court terme, comment continuer à motiver mes équipes alors que je suis moi-même déstabilisé »….A ce premier stade, il ne s’agit pas de développer plus le sujet mais de se mettre d’accord sur des centres d’intérêts communs qui pourront faire l’objet d’un partage de pratiques professionnelles.

.Q> Comment choisir les sujets à traiter et qui procède au choix final ?

PP> Le choix du sujet ne fait pas partie du processus décrit en six étapes mais il est cependant essentiel. Au démarrage de chaque séance, l’animateur rappelle les règles (confidentialité, bienveillance, entraide) et sollicite les participants à présenter leurs préoccupations en sachant qu’il est matériellement impossible de traiter tous les sujets. Cette phase de recueil des besoins permet de faire des ponts d’apprentissages entre les participants pour retenir un sujet plus qu’un autre. Dans un deuxième temps, il est demandé aux participants de dire quels sujets ils aimeraient voire traiter en tenant compte de leur intérêt pour le sujet, de leurs connaissances sur celui ci et de l’urgence à le traiter. Il n’y a pas de vote, et en dernier ressort, il appartiendra à l’animateur de décider, en veillant à respecter un certain consensus. Cette phase peut être ressentie comme frustrante par certains participants.

 Q> En quoi cette pratique se distingue des autres méthodes : résolution de problème, brainstorming, best practice ?

PP> Comme le dit Adrien  PAYETTE  « le but de la consultation ne consiste pas à résoudre le problème du client, mais à l’aider à mieux comprendre et à mieux agir, à l’aider à apprendre à partir de ce qu’il expose ». Il s’agit plus d’une méthode de développement professionnel que de résolution de problème. L’objectif n’est pas de se mettre d’accord sur un plan d’actions qui serait meilleur que les autres, ni de définir la solution pour le client. Il lui appartient, à partir de l’échange et des contradictions dont peuvent faire preuve les consultants, de prendre du recul sur sa situation, de découvrir d’autres façons de faire, de retenir celles qui lui conviennent le mieux, et qu’il puisse définir son plan d’actions. Ainsi il apprend à se comporter différemment et à faire évoluer ses pratiques.

Q> Quelles sont les clés de succès ?

PP> Certaines conditions sont reconnues comme gage de succès. Un contexte et des enjeux qui soutiennent la mise en œuvre du projet, le volontariat des participants et le respect de la confidentialité sont très importants. Il peut être souhaitable que les participants aient la possibilité de choisir les membres de leur groupe et qu’ils conviennent ensemble d’un contrat. Il ne fait pas de doute qu’un soutien organisationnel visible facilite le lancement du projet, de  même que la présence d’un animateur extérieur neutre pour les groupes surtout en phase de démarrage.

Q> Quel est le rôle de l’animateur et quelles sont ses compétences ?

PP> L’animateur est là pour former les participants à leurs rôles de clients et de consultants, veiller au bon fonctionnement du groupe et au respect du déroulement de la méthode avec le temps imparti pour chaque étape, encourager la participation de tous et faciliter l’intelligence collective du groupe. Tout en donnant une priorité aux membres du Groupe, selon le besoin, il pourra être amené à contribuer en tant que consultant en plus de son rôle de facilitateur. C’est plus un facilitateur qu’un formateur c’ est un professionnel de l’application de la méthode. « Une main de fer dans un gant de velours » qui doit savoir prendre une position haute sur le cadre et basse sur le contenu du sujet traité; tout en veillant à l‘harmonie et à la fluidité des échanges.

Q> Dans le contexte économique d’aujourd’hui, quelles peuvent être les bénéfices de cette formation ?

PP> C’est avant tout une méthode de développement professionnel et de transfert de savoirs des pratiques. A l’occasion des consultations le client découvre d’autres façons de faire, de voir et de formuler de nouveaux plans d’actions. Il apprend à prendre du recul sur ses pratiques et ses modes de fonctionnement, à demander de l’aide, à développer ses relations de coopération transversale. Les consultants apprennent à écouter et questionner pour prendre le temps de bien comprendre le besoin du client, puis dans un deuxième temps ils apprennent à donner du feedback, partager des ressentis et des expériences. Bien souvent, on ne prend pas le temps de s’accorder une instance de travail qui permet ce type de transferts de savoirs. Les avantages sont indéniables, la formule est souple et pragmatique, le coût relativement faible (quelques journées d’animation d’un consultant senior formé à la méthode) d’autant plus que ces séances sont imputables au titre de la formation, et que progressivement certains participants pourront avec un petit complément de formation devenir des animateurs.

Q> Quels sont les commentaires des participants à l’issue des séances ?

Ils sont unanimes sur les bénéfices immédiats, les consultants comme les clients : « très enrichissant, très pragmatique, avec des retombées concrètes », « un temps privilégié pour réfléchir à partir de sa pratique, partager, s’entraider aussi bien au niveau du savoir faire qu’au niveau du savoir être », « ils apprécient le contenu des rencontres, le fonctionnement des groupes, le climat convivial et l’efficacité de la méthode », « même si on est parfois dérangé on se sent motivé à se remettre en cause pour progresser dans sa pratique », « Les valeurs que véhicule le co développement (confidentialité, bienveillance, non jugement, entraide) sont rassurantes pour parler vrai, apprendre et s’entraider » « la diversité des points de vues est une vraie richesse ».

Q> Pour conclure, quelles sont vos recommandations pour expérimenter cette méthode ?

Le co- développement me parait très adapté dans un contexte de changement, il faut donner du sens au projet de mise en œuvre. Il peut légitimer le changement en offrant l’occasion aux participants de mieux communiquer sur la nature et l’objet du changement vécu, et de mobiliser les participants. S’approprier le changementen réalisant les apprentissages découlant des succès et des échecs de l’implantation du changement organisationnel et en cherchant à en tirer les leçons qui s’imposent. Ma recommandation c’est de l’essayer pour bien comprendre les enjeux et cibler sa mise en œuvre sur des pratiques professionnelles transversales porteuses de sens !